Jours barbares: Une vie de surf by Finnegan William

Jours barbares: Une vie de surf by Finnegan William

Auteur:Finnegan, William [Finnegan, William]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782364681811
Éditeur: Editions du Sous sol
Publié: 2017-03-16T19:00:42.502275+00:00


Mais je me demandais ce que j’allais bien faire de ma vie. Nous étions partis depuis si longtemps que je me sentais désormais dégagé de toutes les justifications possibles à ce voyage. Il ne s’agissait certainement plus de vacances. Quelles vacances ? J’avais soutiré une année de congé sabbatique à la compagnie de chemins de fer, et elle avait pris fin pendant que nous étions encore à Kirra. Démissionner officiellement de mon emploi et renoncer à ma précieuse date d’ancienneté de cheminot – le 8 juin 1974 – m’avait été étonnamment difficile d’un point de vue émotionnel. J’étais toujours persuadé que je ne retrouverais jamais une place aussi satisfaisante et bien rémunérée. Mais ce qui est fait est fait. Il m’arrivait parfois de paniquer, persuadé de gâcher ma jeunesse et d’errer sans but sur la face cachée de la lune pendant que mes anciens amis, mes condisciples, mes pairs, réalisaient leur vie, faisaient carrière, et devenaient adultes en Amérique. À un moment donné, j’avais ressenti le besoin d’être utile à la société, de travailler, d’écrire, d’enseigner, de faire de grandes choses – où donc était passée cette intuition ? Certes, je m’étais aussi senti obligé, pratiquement contraint, d’entreprendre ce grand voyage consacré au surf et à rien d’autre. Mais fallait-il vraiment qu’il durât si longtemps ?

Nous projetions de nous rendre ensuite à Bali. De grandes vagues, une région très bon marché. Sharon m’avait écrit qu’elle pourrait sans doute nous retrouver en Asie dans quelques mois. Peut-être savait-elle déjà ce que j’allais y faire. Mais Sharon ne surfait pas. En fait, l’océan la terrifiait. D’ailleurs, n’y allais-je seulement que pour “surfer” ? Je traquais instinctivement les vagues, je prenais mon pied autant que je le pouvais quand elles étaient bonnes et j’étais chaque fois absorbé par l’élucidation de l’énigme que posait chaque nouveau spot. Malgré tout, les apogées sont, par définition, rares et espacés les uns des autres. La plupart des sessions étaient sans magnitude. Ce qui restait cohérent, c’était cette sérénité, un calme consécutif aux sessions les plus rigoureuses. Cette humeur d’après-surf était sans doute plus physique qu’autre chose, mais elle était aussi de nature affective, j’en suis certain. Elle prenait parfois la forme d’une douce euphorie. Ou, bien souvent, d’une mélancolie délicate. Après des tubes ou des chutes particulièrement intenses, j’étais parfois prêt à verser des larmes. Ça pouvait durer des heures. C’était un peu comme de ressentir l’éventail des émotions extrêmes qui vous assaillent après une sublime partie de jambes en l’air.

Les bons jours, il me semblait encore faire ce qu’il fallait. Les spécificités de chaque nouveau spot m’accaparaient et me retenaient, tout comme l’exploration d’un nouveau littoral, ou le froid de certaines aubes admirables. Le monde était vaste et insondable, il me restait encore tant à voir. Oui, j’en crevais parfois, d’être un expatrié, d’être toujours en marge, ignorant des réalités du pays où je me trouvais, mais je ne me sentais pas prêt à mener une existence banale, à voir toujours les mêmes têtes, les mêmes lieux, à avancer toujours avec plus ou moins les mêmes pensées.



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